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Le fonctionnement de la garantie de livraison dans le cadre du contrat de construction de maison individuelle

ANIL, Habitat Actualités n°63, juillet 1997


L'apport principal de la loi du 18 décembre 1990, réglementant le contrat de construction de maison individuelle, réside dans l'obligation faite au constructeur de fournir à son client une garantie extrinsèque d'achèvement de la maison pour le prix et dans le délai convenu. Cette garantie délivrée dans les faits par des sociétés d'assurance, dont la plupart ont été constituées pour l'occasion, a en fait pour objectif de prémunir le particulier des conséquences négatives d'une faillite du constructeur.

Elle couvre le maître d'ouvrage à compter de l'ouverture du chantier. En cas de défaillance du constructeur, le garant prend à sa charge :

Le coût des dépassements du prix convenu, dès lors qu'ils sont nécessaires à l'achèvement de la construction. La garantie apportée à ce titre peut, toutefois, être assortie d'une franchise de 5 % du prix convenu.

Les conséquences des paiements anticipés ou de supplément de prix imputables au constructeur.

Les pénalités de retard si la livraison intervient plus de trente jours après la date prévue au contrat.

En 1996, cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi, l'ANIL et les ADIL ont tiré un bilan de l'application des nouvelles dispositions. Ce bilan mettait en lumière l'assainissement notable des pratiques des constructeurs de maisons individuelles, mais relevait un certain nombre de dysfonctionnements du dispositif. Parmi ceux-ci, figurait le fonctionnement de la garantie en cas de défaillance du constructeur.

C'est la raison pour laquelle, une nouvelle enquête auprès de vingt-trois ADIL a été réalisée au cours du printemps 1997, portant sur les cas de mise en jeu de la garantie d'achèvement.

Près de soixante cas de constructeurs défaillants ont été repérés dans les départements concernés au cours des douze derniers mois. Il n'a cependant pas été possible d'éliminer les doubles comptes pouvant intervenir si le constructeur avait une activité sur plusieurs départements.

Le nombre de maîtres d'ouvrages concernés varie entre deux et dix par constructeur.

Par ordre de gravité, les problèmes relevés sont les suivants.


Des attestations de garantie sans valeur

Il apparaît que les attestations de garantie délivrées par certains courtiers (deux cas relevés) ne sont, en fait, pas approuvées par la compagnie d'assurance, qui ne serait ainsi pas engagée. Ces courtiers ont vendu une garantie n'ayant aucune réalité à des constructeurs qui ont pu être eux-mêmes abusés. Or, il n'est possible, ni pour le constructeur, ni pour le maître d'ouvrage, de vérifier la réalité de la garantie apportée avant le sinistre.

Ces cas, heureusement en nombre très limité, ont été signalés à l'administration.

L'intervention du garant conditionnée par le paiement préalable de la franchise

Beaucoup plus fréquents, en revanche, sont les cas dans lesquels le garant conditionne son intervention au paiement par le client d'une somme équivalant à 5 % du prix convenu. Cette demande est justifiée par le garant par l'existence d'une franchise « légale ».

Or à cette étape, il est impossible au garant d'établir la réalité de ce surcoût.

Une récente réponse du Ministre du Logement à M. Claude GIRARD, député du Doubs, qui s'inquiétait de telles pratiques, conduit à penser que le garant pose ainsi une condition à son intervention qui n'est pas prévue par les textes (JO du 24.3.97). En effet, la franchise n'est applicable qu'en cas de dépassement du prix convenu. «Le maître d'ouvrage doit donc se rapprocher du garant pour disposer des éléments lui permettant une comparaison des coûts ».

L'application de la franchise sans que la réalité du surcoût soit établie

Mais cette question pose plus généralement celle de la vérification, par le maître d'ouvrage, de l'existence du supplément de prix. Le garant négocie, en effet, librement les conditions de la reprise des travaux avec des entreprises de son choix. La question de savoir s'il peut ou non ajouter au coût des seuls travaux sa rémunération (au titre de la maîtrise d'œuvre par exemple) n'est, par ailleurs, pas tranchée, bien qu'on puisse penser que cette pratique est contraire à l'esprit de la loi.

L'existence de la franchise conduit le garant à privilégier la solution qui entraîne un dépassement inférieur à 5 % du prix convenu.

Il est permis de s'interroger sur la neutralité du garant lorsque l'entreprise mandatée pour finir le chantier se trouve être une de ses filiales.

La réponse ministérielle citée plus haut incite le maître d'ouvrage à se rapprocher du garant pour vérifier la réalité du surcoût, mais il est permis de douter de l'efficacité d'un tel rapprochement.

Des refus de garantie pour des motifs liés au non-respect d'obligations contractuelles

Quelques ADIL ont également relevé des refus d'indemnisation de la part de garants qui mettaient en avant le non-respect d'obligations contractuelles à la charge du maître d'ouvrage. C'est en particulier le cas si l'assurance dommages-ouvrage n'a pas été souscrite. Le garant craint, en effet, dans ce cas de devoir faire face à des sinistres sur les parties d'ouvrage réalisées avant son intervention, sans recours possible contre l'assureur de dommages-ouvrage.


Des retards dans l'intervention du garant

De nombreuses ADIL signalent également une certaine inertie du garant dans la période qui suit la défaillance du constructeur. La mise en demeure par lettre recommandée est souvent nécessaire pour obtenir une réaction du garant.

A noter, cependant, que cette remarque est infirmée par l'attitude d'autres garants, qui mesurent sans doute mieux le risque de devoir également régler des pénalités de retard au maître d'ouvrage en cas de prolongement anormal de la durée des travaux, et qui réagissent rapidement pour trouver une solution de reprise.


Le paiement difficile des pénalités de retard

Plusieurs ADIL ont constaté la difficulté d'obtenir le paiement des pénalités de retard en cas de dépassement supérieur à un mois du délai de livraison. Cette difficulté est caractérisée dans le cas de contrats de garantie qui interdisent au maître d'ouvrage d'opérer une compensation entre le dernier paiement et les pénalités de retard contractuelles.

Le montant insuffisant de la garantie de remboursement de l'acompte

La loi prévoit une continuité entre garantie de remboursement de l'acompte (L. 231-4) et garantie d'achèvement. La première cesse au moment de l'ouverture de chantier, point de départ de la seconde. L'existence d'une garantie de remboursement de l'acompte permet au constructeur de percevoir 5 % du prix à la signature du contrat et 5 % supplémentaires à l'obtention du permis de construire.

On constate dans la pratique l'existence de clauses contractuelles contraires à la loi, entre le constructeur et le garant, qui prévoient que la garantie de remboursement de l'acompte ne porte que sur 5 % du prix convenu, somme réclamée à la signature du contrat. Les 5 % réclamés à l'obtention du permis de construire ne sont alors pas couverts par la garantie de remboursement. Si le constructeur vient à être défaillant après l'obtention du permis de construire, mais avant l'ouverture de chantier, le maître d'ouvrage ne peut recouvrer le montant du deuxième acompte versé.

La signature de protocoles d'accord exonérant le garant de ses obligations

L'intervention du garant peut, également, prendre la forme d'une proposition de transaction amiable. Le garant propose au maître d'ouvrage de traiter directement l'achèvement de sa maison avec des entreprises qu'il lui propose et d'abandonner simultanément ses droits à la garantie d'achèvement.

Le protocole d'accord contient alors en annexe des devis d'entreprises dont le montant total correspond peu ou prou aux sommes non versées au titre du contrat de construction.

La signature d'un tel protocole, bien qu'illégale, peut constituer aux yeux du maître d'ouvrage une solution satisfaisante lorsque le chantier est en voie d'achèvement. Elle est plus discutable lorsque le gros œuvre n'est pas achevé et qu'une coordination technique est indispensable à l'achèvement.

Mais la signature d'un tel accord est souvent présentée au maître d'ouvrage comme une alternative au paiement de la franchise. Le maître d'ouvrage n'a alors de choix qu'entre le paiement d'un supplément de prix conséquent et une intervention du garant ou une solution plus aventureuse, alors qu'il avait traité avec un constructeur pour éviter toute surprise.

Le constat des ADIL est donc pour le moins nuancé quant aux conditions d'application de la garantie d'achèvement.

Outre le problème des fausses garanties qui devrait avoir des suites judiciaires, la question de la franchise est au centre des critiques.

Elle pose tout à la fois un problème d'information, un problème de définition et un problème d'équilibre des relations entre le maître d'ouvrage et le garant.

Un problème d'information : le maître d'ouvrage n'a connaissance du montant de la franchise que lorsqu'il reçoit l'attestation nominative du garant, c'est-à-dire après l'ouverture du chantier. Mais il ne prend réellement conscience de son importance (25 à 50 000 F) que lorsqu'elle lui est opposée par le garant.

Un problème de définition : la notion de dépassement du prix convenu n'est pas précisée par les textes. Les éléments de la comparaison entre le prix convenu et le prix de revient mériteraient d'être précisément définis : faut-il comparer le montant du contrat de construction au total des débours du constructeur (et du garant qui s'y substitue) ou seulement le montant des travaux restant à effectuer au moment de la défaillance du constructeur aux sommes restant à payer par le maître d'ouvrage à ce moment là ?

Un problème d'équilibre : seul le garant maîtrise dans les faits le coût des travaux nécessaires à l'achèvement. Or ce sont eux qui vont déterminer le montant de la somme que peut exiger le garant du maître d'ouvrage.

La qualité de la garantie est donc parfois décevante pour le maître d'ouvrage. Cependant, le bilan dressé par les ADIL confirme que tous les constructeurs défaillants étaient bien titulaires d'une garantie d'achèvement. L'existence d'un garant, seul interlocuteur du maître d'ouvrage en cas de défaillance du constructeur, a permis l'achèvement de toutes les constructions observées.

Les dérives relevées plus haut ne concernent naturellement pas tous les garants, mais l'attitude de certains d'entre eux met en lumière quelques imperfections du dispositif de protection.

Peu de décisions judiciaires généralisables ont été rendues à ce jour, de nombreuses procédures sont actuellement en cours d'instruction. Elles concernent la franchise, l'arbitrage entre la mise en jeu de l'assurance-dommages et la garantie de livraison et les pénalités de retard. Il faudra en connaître l'issue pour savoir si la jurisprudence pourra suffire à éliminer les zones d'ombre révélées par la pratique, ou si de nouveaux textes seront nécessaires.

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